Blaise Schwartz

                                                                                                                                                                      Paintings                Drawings            Other works                PortfolioPDF                Texts                Exhibitions views                Information                    






Multimillénaires


Gwendoline Corthier-Hardoin


L’exposition « Multimillénaires » présente les dernières peintures et dessins réalisés par Blaise Schwartz. Ses œuvres proposent une interruption spatiale et temporelle, où la figure de l’homme s’éclipse. Son travail privilégie davantage l’animal, le végétal et le minéral, agencés dans des compositions aux multiples narrations.

Parmi celles-ci figurent des singes, chauves-souris, dinosaures, chiens ou escargots, qui viennent occuper l’espace de la toile et parfois s’y rencontrer. La main du singe vient interagir avec l’escargot, dont les cornes – dans d’autres toiles – entrent en résonance avec une aile de chauve-souris ou un doigt humain. Cette fragmentation des corps fonctionne à la manière d’un logogriphe visuel, une énigme à résoudre, dont l’une des pistes de réponse serait à chercher du côté de l’archaïsme, de l’hybridité et de la lenteur. L’escargot en est l’illustration symptomatique. Animal apparu il y a plusieurs centaines de millions d’années, connu pour sa lenteur et hermaphrodite, il évolue entre l’intérieur et l’extérieur, doté de sa coquille à spirale. 

La dimension sphérique de cette forme, embrassant l’idée de totalité, n’est pas sans évoquer plusieurs peintures de Blaise Schwartz où la terre apparaît, tantôt sous sa forme géographique, presque satellite, tantôt comme un globe. Il procède ainsi à des distorsions d’échelles, entre microcosme et macrocosme, mais aussi à des déplacements de significations. La terre devient alors un objet, enfermé dans une cage de briques et mis sous vitrine, ou se matérialise sous l’aspect d’une balle ou d’un simple caillou. On assiste là à une sorte de mise en abyme, la terre – comme objet – reposant sur la terre – le sol –, aux côtés de la végétation. 

Cette alternance entre le microscopique et le macroscopique participe à brouiller notre cadre temporel et géographique ; évocation sans doute de ce temps où l’artiste parcourait l’Asie à vélo, l’amenant à faire l’expérience de longues distances tout en observant la terre, les routes, la végétation. Déjà en 2019, l’artiste récupérait une carte du monde en carrelage dans l’école abandonnée du village de Liuyin en Chine, qu’il déplaçait dans une zone de passage, à la croisée d’un chemin et d’une rivière. Disposant cette carte sous la forme d’une architecture élémentaire, il s’agissait de créer un dialogue entre cette cartographie centrée sur l’Asie et le Pacifique, et les maisons et tombes aux alentours. 

Cette matérialisation physique du monde, ce déplacement autant mental que physique, fait écho aux peintures présentées ici, dans lesquelles un élément – vivant ou non – vient régulièrement perturber l’espace sans jamais s’y intégrer pleinement. Là où la végétation se fait foisonnante, un écran d’ordinateur vient par exemple troubler notre perception visuelle et créer une perte de repères. 

Ailleurs, la vision satellite de la terre est déstabilisée par l’incursion d’un parallélépipède jaune, dans lequel un escargot vient lentement se lover. Deux spatialités se confrontent, à l’image de cette toile où singe et chauve-souris dominent le cadrage en contre-plongée. L’animal, massif, prend appui sur une architecture totalement factice. 

Le travail de Blaise Schwartz présenté au sein de « Multimillénaires » propose ainsi des visions telluriques multiples, faisant se rencontrer le temps et l’espace, alternant entre le naturel et l’artificiel, jusqu’à conférer à ses œuvres une dimension énigmatique qui nous met inéluctablement à distance. Ses toiles et dessins s’inscrivent parallèlement dans un processus de résurgence, celle des animaux, de fragments humains et de géographies que l’on retrouve dans plusieurs œuvres, et plus globalement celle d’une réflexion autour du vivant et de son évolution. 

2023